Deuxième semaine du 17 au 24 Août 2025
Avec Matthieu Gaudeau
Fiction(s) terrestre et tactile 
De la peur à l’amour, prolongement”

“Il existe une heure de la soirée où la prairie va dire quelque chose ; elle ne le dit jamais ou peut-être le dit-elle infiniment et nous ne l’entendons pas, ou nous l’entendons, mais ce quelque chose est intraduisible comme une musique…” Fictions J.L Borgès.

“Le mortel est celui qui est d’emblée ouvert sur le monde comme monde.” R.M Rilke

En 1972, Steve Paxton prépare une performance à la John Weber Gallery à New York. Il trace ainsi les contours d’une improvisation basée sur une fiction, celle d’un improvisateur imaginairequi serait sans inhibition physique, sensorielle ou sociale. […] Une personne générique contenant les éléments positifs observés chez beaucoup d’étudiants, de danseurs, de praticiens des arts martiaux et d’enfants.

Ainsi débute, une longue exploration incarnée de la chute qui s’appellera bientôt “Contact Improvisation”.

Cette fiction se développe sur le sol fertile de la fin du XXe Siècle et s’inscrit dans un mouvement plus vaste. Un ensemble peu nombreux mais influents de chercheurs dans différentes disciplines, (psychologie, psychanalyse, philosophie et sciences cognitives) ont commencé à rassembler les preuves démontrant que l’expérience mentale dépend non seulement du cerveau, mais de la totalité de l’organisme animé (F.Varela, M.Johnson, D.Stern, A.Damasio…).

Ces recherches, nourries aussi par les mouvements féministes, ont permis de redonner une place aux savoirs incarnés et une parole légitime à l’expérience vécue.

Ainsi, pour S.Paxton, N.S Smith, L. Nelson, K. Nelson, K. Simson, D. Lepkoff, et toutes les personnes qui participent à ce développement, la théorie de Newton et l’expérience peu loquace de la pomme peuvent être légitimement prolonger par les danseurs. Tout est réuni pour que la précédente fiction, celle d’une séparation si longuement entretenue entre corps et esprit, puisse être mise à l’épreuve d’une chute.

Je m’amuse parfois à imaginer combien d’expériences de chutes ont été consciemment accumulées depuis 1972 et quels savoirs en sont nés. Certains loquaces, documentés, archivés d’autres encore en germe dans les lieux de pratique. Mais faire l’expérience d’une chute avec “la conscience globale du corps sens ouverts“ selon la formule de S.Paxton, c’est d’une certaine façon, faire l’expérience incroyablement banale de marcher, de toucher, de rencontrer le monde. Ou encore, sans chute, sans l’expérience d’une relation, d’un déplacement, sans enchevêtrements et empiètements, il n’y aurait pas monde.

C’est à cette ouverture radicale que nous sommes confrontés si banalement et souvent de façon insupportable. C’est dans le foyer de ce banal que réside une difficulté à en reconnaître les implications nombreuses. C’est certainement pour cela qu’il est nécessaire de chuter plus “bruyamment”.

Faire l’épreuve consentante de cette ouverture, demande plus probablement, de renouer avec notre vulnérabilité, avec le temps, et la confiance ; et tout cela nécessite à n’en pas douter un cadre spécifique.

Je me demande parfois quel sens cela a, de chuter encore aujourd’hui et ainsi de se relier à la gravité ? Quel sens cela a, de faire et refaire encore l’épreuve de la réversibilité du toucher (toucher/être touché) ? De rencontrer l’autre dans la chute avec une conscience globale du corps tous sens ouvert ? Peut-être simplement pour le plaisir de la désorientation ; ou parce que cette pratique redonne droit et voix à notre expérience en première personne ; ou encore que dans cette exploration, la perception devient un échange vivant, réciproque et animé et que cela modifie profondément notre rapport aux fictions implicites de notre temps et à la névrose des sens qu’elles imposent (H. Godard – univocité de sens, le fait que dans l’expérience sensible moderne commune, l’on puisse toucher sans être touché) ; parce que “Le vivant ne sent que pour poursuivre son mouvement orienté et ne se meut que pour mieux sentir” (Barbaras).

Et enfin, il y a un prolongement – inattendu ? – de cette expérience. Comme l’écrit si justement D. Abram, « Lorsque nous marchons en forêt, nous scrutons ses profondeurs vertes et ombreuses, nous écoutons le silence des feuilles, nous apprécions l’air vif et frais. Et pourtant la transitivité de la perception, la réversibilité de la chair sont telles que nous pouvons soudain sentir que les arbres nous regardent – nous nous sentons exposés, observés de toutes parts. Si nous résidions dans cette forêt durant des mois ou des années, notre expérience pourrait se modifier à nouveau – nous pourrions en venir à sentir que nous faisons partie de cette forêt, que nous sommes dans des rapports de consanguinité avec elle, et que l’expérience que nous avons de cette forêt n’est rien d’autre que la forêt faisant l’expérience d’elle-même. »

C’est peut-être, entre autre de cela dont notre monde a besoin.

Alors chutons !

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Kim interviendra le lundi et le mardi matin pour voir et revoir des principes de CI de façon créative et ludique.

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Voir la première semaine avec Alice Dutreuil Nouchimowitz et Elise Malafosse

 
Deuxième semaine du 17 au 24 Août 
Avec Matthieu Gaudeau
Fiction(s) terrestre et tactile 
De la peur à l’amour, prolongement”

“Il existe une heure de la soirée où la prairie va dire quelque chose ; elle ne le dit jamais ou peut-être le dit-elle infiniment et nous ne l’entendons pas, ou nous l’entendons, mais ce quelque chose est intraduisible comme une musique…” Fictions J.L Borgès.

“Le mortel est celui qui est d’emblée ouvert sur le monde comme monde.” R.M Rilke

En 1972, Steve Paxton prépare une actuación à la John Weber Gallery à New York. Il trace ainsi les contours d’une improvisation basée sur une fiction, celle d’un improvisateur imaginairequi serait sans inhibition physique, sensorielle ou sociale. […] Une personne générique contenant les éléments positifs observés chez beaucoup d’étudiants, de danseurs, de praticiens des arts martiaux et d’enfants.

Ainsi débute, une longue exploration incarnée de la chute qui s’appellera bientôt “Contact Improvisation”.

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